CRIMINAL MINDS, EPISODE 2*12, "PROFILER, PROFILED"
Ce que j'en ai pensé...
(diffusion en France le 30 Avril 2012)
Un excellent épisode de Criminal Minds (ou CM, ou Esprits Criminels) centré sur l'agent Derek Morgan. Bien que ce personnage ne soit pas mon préféré, dire que je n'ai pas apprécié cette histoire ne serait que mensonge. Ce chapitre nous en apprenait un peu plus sur cet homme plus connu pour son habitude à défoncer des portes lors d'interventions musclées et se jeter sur les suspects en fuite pour les plaquer au sol. Jusqu'à cet épisode, Morgan apparaissait en effet comme le « action man » dans toute sa splendeur : toujours prêt à défendre la veuve et l'orphelin et à botter les fesses des méchants esprits criminels, doublé d'un beau gosse. Le « Profiler, Profiled » a tordu le cou à cette tradition, en nous présentant un être humain qui, sous sa carapace de super héros, cache une profonde blessure, et pas n'importe laquelle. Il est vrai que présenté sous cet aspect, le sujet peut apparaître comme un cliché. Combien de fois a-t-on vu au cinéma et à la télévision des héros se surpassant pour les autres mais qui en réalité, le faisaient pour compenser, renier un manque, un traumatisme, un mal être intérieur ? Certes, on l'a déjà vu maintes et maintes fois. Mais il y avait quelque chose dans l'épisode de CM qui rendait ce sujet particulièrement intéressant et touchant.
D'abord, tout fan de CM qui se respecte ne pouvait ne pas être d'emblée exalté par ce volet, puisque l'un des héros se retrouvait mêlé à une situation sensible. En l'occurrence, l'agent Morgan était accusé du... meurtre d'un adolescent ! Pour ne rien lui faciliter, l'inspecteur chargé de l'affaire, Gordinski, n'était autre qu'un policier qui de toute évidence, avait une dent contre Derek, et ne souhaitait nullement lui accorder le bénéfice du doute. On se délecte devant les piques entre Gordinski et Morgan. Mélangez une accusation injuste et un ennemi borné, et vous obtenez un épisode qui ne peut que ravir les puristes de CM. S'en suit alors une course contre la montre de la part de l'équipe qui doit œuvrer pour innocenter Derek et plus difficile, faire comprendre à la police locale qu'elle se trompe. Tâche qui s'avère plus compliquée quand de un, le responsable de l'enquête est partial, et quand de deux, les indices mènent tout droit à Derek...
Criminal Minds a réussi à nous faire partir d'une direction pour nous emmener dans une toute autre, à laquelle on ne s'y attend pas. On commence avec quelques moments de légèreté pour glisser dans la stupeur et les péripéties explosives. Conséquence : on en ressort estomaqué par le décalage entre le Derek dont on découvre le passé et le Derek d'aujourd'hui, celui qu'on connaît depuis le pilote. Pour un secret, celui de Derek en était un. On sent bien que Morgan veut à tout prix éviter de confier certaines tranches de sa vie à ses coéquipiers, et cette volonté est naturelle. Le métier qu'exerce l'équipe l'amène à presque vivre ensemble, et il est donc normal que chacun puisse pouvoir conserver une vie privée (heureusement, d'ailleurs). Morgan se braque, se met sur la défensive, refuse de parler, se dresse face à un Hotch imperturbable et insistant. Au départ, cette attitude paraît suspecte, enfin, ne l'aide pas à l'innocenter de ce qu'on l'accuse. D'ailleurs, même Hotch se pose des questions face à ce silence. Puis au fur et à mesure de la non coopération de Morgan (son refus de se dévoiler), on comprend que s'il a quelque chose qu'il ne veut pas partager, c'est que cela doit être grave. Quand on apprend qu'il a eu un casier judiciaire pendant son adolescence, on en reste surpris, mais on lui pardonne. Après tout, l'important, c'est qu'il ait changé pour devenir ce qu'il est devenu aujourd'hui.
Bon à ce moment, oui, le personnage principal qui, dans sa jeunesse, ressemblait plus à un diable qu'à un ange, c'est du déjà vu. Heureusement, Esprits Criminels ne s'en est pas arrêtée là. Le traitement de cette trame était bien maîtrisé. Les scènes dans la salle d'interrogatoire entre Hotch et Derek avaient l'air de véritables interrogatoires entre un agent fédéral et un criminel. Hotch voulait connaître la vérité, mais se heurtait à la réaction violente de Morgan qui ne se laissait pas faire aussi facilement et qui l'envoyait presque bouler. De l'autre côté, évidemment, le reste des fédéraux tentait tant bien que mal d'expliquer à Gordinski qu'il y avait sûrement une erreur... Mais les agents sont pris à revers par leur propre compétence, à savoir le profilage. La scène où Gordinski montre à Gideon le profil que celui-ci lui a envoyé lors d'une sollicitation est juste géniale. Le flic énumère point par point les éléments clés écrits par Gideon. Là, par un superbe effet spécial, on voit en arrière plan, sur fond blanc immaculé les deux hommes tout d'abord entourés par une multitude d'autres (représentant la population masculine de Chicago). Au fur et à mesure que le flic énonce les points, le nombre d'individus diminue : ils disparaissent dans un rapide balayage latéral, tandis que ceux qui restent sur l'écran sont rapprochés et le dernier homme n'est ni plus ni moins Derek. Alors là, bien entendu, les agents sortent le discours selon lequel il ne s'agit que d'une description qui doit servir d'aide et non de vérité absolue ou recette à appliquer à la lettre. Je dois dire qu'à cet instant précis, la BAU faisait preuve de mauvaise foi. Je m'explique. Jusqu'alors, on avait toujours vu les agents dresser des profils aux polices locales et bizarrement, une fois un suspect arrêté, l'unité n'avait pas vraiment l'air de vouloir remettre en doute le profil qu'elle avait délivré. Le suspect correspondant parfaitement à la description, il n'y avait pas de quoi revenir sur celle-ci et forcément, le suspect était impliqué d'une façon ou d'une autre dans la vague meurtrière terrorisant les environs. Dans l'épisode sur Derek, celui-ci colle pile poil à l'expertise de Gideon, mais subitement, alors non, il ne faut absolument pas tout prendre pour argent comptant mais au contraire, creuser d'autres pistes... En ce sens, on comprend l'exaspération de l'inspecteur face à ces agents qui renient presque leur propre art dans l'unique but de sauver Morgan. Exaspération qui s'accentue lorsque l'équipe pose des questions sur le directeur de la maison des jeunes, Carl Buford, comme si elle voulait orienter l'enquête vers lui. Exaspération qui monte de deux crans quand Morgan s'échappe de la salle d'interrogatoire (avouez qu'il est doué).
Exit les sarcasmes entre Derek et Gordinski qui ne peuvent pas se supporter, l'interrogatoire d'un Hotch impassible, le profil, le passé de délinquant de Derek et sa fuite, le CM s'engage sur un autre chemin. Derek retrouve en pleine nuit un jeune garçon qu'il a rencontré dans la maison des jeunes de Chicago. Suis-je la seule à penser qu'il n'est pas très sain pour un jeune adolescent de traîner dans la rue en plein milieu de la nuit ?? Cette question aussitôt posée et aussitôt oubliée, nous arrivons à la première scène que j'ai trouvée magnifique. Non pas que les autres étaient sans relief, mais celle-ci faisait partie des plus importantes pour l'intrigue et Derek. Pour l'instant, le seul secret qu'on connaissait sur l'homme était son passé de voyou. Et là, on en découvre un autre, bien plus sombre et terrible. Sur ce coup, Shemar Moore, l'interprète de Morgan, était excellent. Une interprétation toute en finesse. L'homme aborde le jeune (qui voulait lui parler) et commence la discussion comme si c'était une simple discussion entre potes, autour de lancers de ballon de football américain. Un moment de partage léger, mais qui glisse peu à peu à la confession et à la noirceur. Aucun mot brut n'est prononcé, tout est dans la suggestion, et cela rendait la scène forte à mes yeux. Morgan entre dans le sujet en faisant référence aux excursions avec Carl Buford. Une figure qui impose l'admiration et le respect dans le quartier, parce qu'il vient en aide aux jeunes en difficulté pour leur permettre de devenir des hommes droits. Derek l'avait connu lui aussi, et le mentor lui avait appris à jouer au foot. C'est comme cela que Derek avait pu s'en sortir. Ce mentor devenait comme un second père, voire le seul père pour certains de ces jeunes. Un père, un modèle en qui on peut avoir confiance, à qui on peut se confier et qui répond présent. La relation se renforce et pour renforcer cette relation, le mentor emmène de temps en temps ses protégés dans sa cabane. Et là, on comprend tout. Des adolescents paumés qui trouvent refuge dans la maison des jeunes, qui sont pris sous l'aile de Carl, qui partagent des moments de complicité avec lui dans sa cabane, comme un père le fait avec son fils. Derek parle de la cabane, puis dit au jeune qu'au départ, il avait sûrement du ne pas comprendre ce qui se passait, et puis qu'il s'est tu parce que la maison des jeunes, c'était tout ce qu'il avait. Et là, Derek regarde le jeune droit dans les yeux et lui dit que ce que le mentor lui a fait, et bien, Derek Morgan, l'ancien voyou devenu un exemple lui aussi, l'a subi. Mais lui s'est tu, parce qu'il avait peur de tout perdre. Il se trouvait exactement dans le même dilemme que le jeune : parler et perdre toute chance de connaître un meilleur avenir (car qui le croirait ?), et ne rien dire pour s'en sortir. Mais le jeune ne doit pas avoir peur ni se taire, mais au contraire, parler. Les termes abus, viol ne sont, certes, jamais prononcés, mais on en ressort avec le même sentiment de choc, révolte, dégoût envers ce mentor qui a profité de l'aura qu'il dégageait et de la confiance de ses protégés pour leur volet leur innocence. Au cours de la discussion, Morgan réalise l'identité du véritable assassin qu'on recherche depuis le début de l'épisode. Et qui n'est autre que... ce mentor, Carl Buford, tant apprécié de la communauté. Et là, c'est le moment de vérité, le moment de l'affrontement entre Derek et ce monstre qui a brisé une partie de lui et d'autres jeunes.
Derek Morgan va enfin regarder Buford droit dans les yeux. Il est temps de mettre derrière les barreaux cet imposteur, ce traître, et la scène de confrontation entre les deux est magnifique. Il aura fallu que Derek soit accusé d'un assassinat pour qu'il se réveille et ose à son tour, parler. Je pense qu'il n'aurait jamais franchi cette étape et serait ainsi toujours resté (enfin, pour encore une longue période) dans le silence s'il n'y avait pas eu ce quiproquo. Derek a compris qu'il n'était pas trop tard pour se libérer de ce fardeau, même s'il y avait prescription. Il choisit de combattre ce démon pour protéger les jeunes et surtout, pour se défaire de cet incommensurable poids. Shemar Moore était dans l'émotion et la fureur, face à cet individu malsain qui ne voulait rien lâcher et ne voyait pas le mal de ses actes. On sentait la vulnérabilité de Morgan, sa souffrance enterrée dans son être mais toujours présente, mais aussi sa volonté et motivation sans borne à poursuivre des types comme Carl, chose qu'il n'a pas pu faire avec Carl. On voyait le masque du « action man » tomber. Et le fait que CM propose un duel entre Derek et Buford sans la présence des autres était judicieux. Ce choix ne faisait que renforcer l'intensité de la scène et de l'histoire. CM aurait pu nous servir une intrigue où finalement, c'était l'équipe qui découvrait le secret et arrêtait Buford. Par exemple, Derek aurait pu craquer et se dévoiler à son équipe qui aurait ensuite trouvé le moyen de stopper Buford. C'était bien pensé de proposer un face à face entre la victime et son bourreau. On rentrait en quelque sorte dans l'intimité de Derek, on affrontait avec lui l'agresseur, on ressentait le flot d'émotions qui traversait Derek. Heureusement, Buford a fini par se faire arrêter par le même policier qui voyait Derek comme seul coupable. Le moment où le représentant de la loi passe devant Morgan est touchant. Gordinski a réalisé l'horreur qu'a traversée Derek et son erreur. Il reste abasourdi, dégoûté par la vérité, et surtout par le fait que ce soit celui que tout le monde voyait en bienfaiteur qui soit le vrai meurtrier. Gordinski ne s'excuse pas verbalement, parce qu'il ne sait pas quoi dire. Que dire face à cet état de fait ? Il ne dit rien, mais son regard suffit amplement, et peut-être que cette absence de parole accentue son sentiment de gêne. Peut-être même que le fait que les scènes Derek/le jeune et Derek/Buford se déroulent pendant la nuit font écho à la noirceur de l'intrigue ? En une ligne, un brillant, obscur et émouvant épisode contrebalancé par quelques pointes d'humour qui restera dans les annales de Criminal Minds.
Conclusion :
Mes + : L'intrigue et son traitement/ L'interprétation de Shemar Moore/ La scène de la fusée avec Reid, JJ, Garcia, Prentiss et Hotch
Mes - : Certains membres de l'équipe un peu en retrait, mais en définitive, chose nécessaire sinon l'intensité de l'intrigue en aurait été desservie
Sériecalement Vôtre,
VK