SERIES MANIA SAISON 5, TABLE RONDE "LES SERIES LOW-BUDGET, UNE CONTRAINTE STIMULANTE ?"
Intervenants (de gauche à droite) :
Paul Marquess, Newman Street => "Suspects", diffusée sur Channel 5 (UK)
Bertrand Cohen, Terence Films => "Cut", diffusée sur France Ô
Marie-Agnès Bruneau, C21
Agatha Walkosz, Media Brigade => "The Deep End", diffusée sur TVP (Pologne)
Stéphane Drouet, Making Prod => In America, diffusée sur OCS
Table ronde animée par Marie-Agnès Bruneau
Le marché de la fiction a connu un essor considérable depuis ces dernières années. En 2013, la France comptabilisait 782 heures de fictions produites, dont 678 heures de séries. Pour ces dernières, le nombre a connu une hausse de 50% par rapport à 2012.
Les chaînes de la TNT et les chaînes thématiques s’attaquent également à ce marché : 45 heures en première diffusion pour la TNT, 32 pour les chaînes historiques. Néanmoins, il ne s’agit que de diffusion, ces acteurs n’ont pas encore de stratégie claire, exception faite pour OCS, TMC.
Cette embellie pour la fiction n’est pas sans pression budgétaire. En effet, la fiction représente le genre le plus cher : en moyenne 900 mille euros par heure (CNC, 2013). Cependant il faut se rappeler que les fictions occupent en général les cases du prime time, ceci a donc un impact sur le coût.
Avec les enjeux en termes d’audiences, le risque pris avec les projets qui peuvent ne pas marcher auprès du public, on comprend les réserves des acteurs du marché aux investissements conséquents. Se pose alors la question suivante : peut-on faire des séries à faible coût, des séries low-budget, sans pour autant renier sur la qualité (en cela, il ne faut pas confondre série low-budget avec série low-cost !) ?
Quelques mots d’introduction sur les séries :
Suspects :
La série fait les beaux jours de Channel 5, chaîne tournant autour des 4% de pda et n’ayant pas une forte tradition dans la commande de séries. Par le passé, le Royaume Uni se distinguait par une pléthore de séries à moyen/faible budget, mais elles ont toutes disparues depuis. Subsistent les drama à grand budget. Dans le cas de Suspects, Paul Marquess a eu l’idée de produire un drama sans dépenser une fortune, persuadé qu’un drama n’avait pas forcément besoin d’être cher. Il a été sollicité par Channel 5, qui n’avait pas commandé de drama pendant une dizaine d’années.
Suspects a été une belle surprise autant par l’accueil positif qu’elle a reçu lors de la projection presse que par son coût qui s’est avéré moindre que celui que la chaîne avait envisagé.
Cette série a la particularité de s’appuyer sur l’improvisation des acteurs. Toutefois, chaque épisode repose sur un script avec une intrigue dont les étapes sont définies à l’avance : l’improvisation intervient au niveau des dialogues.
Le tournage des scènes ne dépasse pas trois prises pour chacune.
Cut :
La série est diffusée sur France Ô, la chaîne de France Télévisions ayant le moins de moyens. Terence Films devait donc proposer un projet cohérent et de qualité face à cette contrainte budgétaire, et également un projet qui puisse être exporté. Terence Films réalisant une grande part de marge à l’étranger, la capacité à l’exportation entrait en jeu dans l’élaboration du projet.
La série s’appuie sur un dispositif transmédia : les personnages ont une page Facebook alimentée pendant et en dehors de la diffusion, pour donner une dimension de réalité. Ce dispositif présente un autre avantage : vérifier l’adhésion du public à la série. Vous trouverez plus d’informations sur ce dispositif sur Bigger Than Fiction.
Une saison 2 a déjà été commandée.
The Deep End :
La série compte deux saisons à ce jour, une troisième est en préparation. Elle est née à l’occasion d’un concours organisé par le Ministère des Finances et du Travail polonais, dans le cadre de la promotion des métiers des services sociaux. Le ministère a contribué au financement, de même que l’Union Européenne.
The Deep End a connu un succès critique et à l’international : elle a été récompensée aux festivals de Monte Carlo, Chicago, Turin, et a été vendue à 10 pays.
Les soap opéras sont plus fréquents dans le paysage télévisuel polonais, il y a très peu de drama en prime time.
In America :
In America est une idée des comédiens principaux. Ils ont soumis le projet à Making Prod qui l’a proposé à OCS. La chaîne a signé sur la base d’une bible et d’un épisode dialogué (ses modalités de sélection des projets diffèrent de celles des autres chaînes).
La série a été réalisée en 15 jours aux Etats-Unis et 6 en France. Pour les Etats-Unis, l’équipe a tourné à Las Vegas, au Grand Canyon, il y a vraiment eu une possibilité de voyager à travers le pays (sauf pour certains lieux : par exemple, les scènes à Chicago n’ont pas été faites à Chicago). Elle compte à ce jour 10 épisodes de 20-26 minutes.
Autres éléments abordés :
— Le rythme de tournage des séries low-budget est intensif. La réussite du tournage repose sur une excellente préparation en amont.
— La participation des acteurs n’est pas forcément subordonnée au cachet. Ils sont d’abord intéressés (en général) par la valeur du projet : si l’histoire, l’équipe leur plait, ils acceptent de mettre au second plan la question de la rémunération. Ainsi, série low-budget ne signifie pas automatiquement impossibilité d’avoir d’un acteur, réalisateur ou producteur renommé. Par exemple, The Deep End compte parmi son équipe un acteur connu en Pologne.
— Au niveau de la liberté de création, In America a eu les mains libres. Sur Cut, il y a eu des aller-retour, mais les décisions ont été prises rapidement étant donné le rythme intensif de la production. Pour The Deep End, le Ministère des Finances et du Travail a lu les scripts et a demandé à la production de réduire le nombre de mots vulgaires, demande que la production a suivie.
— A la question de savoir si un faible budget est uniquement une contrainte ou peut, à l’inverse, être un levier de création, Stéphane Drouet a confié que sur In America, conçue comme un road movie, les contraintes ont plus été liées aux lieux de tournage qu’au budget.
— Un budget moindre est compensé par une augmentation de la productivité : chacun doit faire des efforts au niveau de la rémunération et de la charge de travail.
— La contrainte budgétaire a des répercussions sur la façon de produire : aucune lumière n’a été utilisée sur Suspects. Paul Marquess n’aurait jamais cru cela possible avant de travailler sur Suspects. Ce genre de projet amène à tout remettre en question et favorise le dialogue entre la production cinématographique et la production de séries low-budget, car même avec peu, ces séries arrivent à conserver une qualité artistique.
— Cut a bénéficié du financement de France Ô, du CNC, de la région où la série est tournée, et de la marge du distributeur. On peut évaluer le coût de la saison 1 à 4/6 millions d’euros pour 70 épisodes. Chaque épisode de In America a nécessité 50 mille euros. OCS, le CNC et le distributeur ont participé au financement. Le budget de la saison 2 sera plus élevé. Le budget alloué à The Deep End s’élève à 1,5 million d’euros pour 13 épisodes.
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