SERIES MANIA S6 : TELLUS
avec spoilers
Le dimanche 19 avril 2015, Séries Mania présentait les deux premiers épisodes de la série Tellus, puis proposait une séance de questions/réponses avec son créateur, réalisateur et scénariste Jukka-Pekka Siili, communément appelé JP. Cette série finlandaise suit les actions d’un groupe de jeunes éco-saboteurs, répondant au nom de Tellus (terre mère en latin). Ils frappent depuis plusieurs années les installations des organisations non respectueuses de l’environnement, jusqu’au jour où l’une de leurs interventions fait une victime. Leurs actions font l’objet d’une enquête policière. La saison 1 compte 6 épisodes, elle a été diffusée en novembre-décembre 2014. La saison 2 en comptera 12, son écriture est en cours de finalisation et sa production commencera en janvier 2016. Tellus est un coproduction finlandaise, suédoise, norvégienne et allemande.
La série aborde un thème intéressant, d’actualité et important : l’environnement, par le biais de l’éco-terrorisme. Pendant les échanges avec Siili, un spectateur considérait cette question non prioritaire par rapport à la montée de l’extrémisme religieux, pour ne citer que cet exemple. Avis auquel Siili a répondu qu’au contraire, les questions sur l’environnement sont essentielles. Si on n’agit pas aujourd’hui pour préserver la Terre, la situation sera catastrophique pour les générations futures. Je rejoins tout à fait cette réponse. Je suis persuadée que si l’homme continue à piller les ressources de la terre pour le profit et le confort immédiat, sans penser aux conséquences, un jour ou l’autre, la nature se retournera contre lui. On fore à 3000 mètres de profondeur sous la mer parce qu’il y a d’incroyables ressources. On détruit le riche écosystème qui y vit depuis des millénaires. Et après, on s’émeut que des espèces animales disparaissent, que les fonds marins en ressortent ravagés. Et on fera quoi, quand il n’y aura plus de ressources parce que la Terre aura été vidée sans ménagement ? On pollue, et après, on s’émeut du réchauffement climatique et de la fonte des glaces. On détruit notre habitation et après, on se demande ce que l’on va faire… Je parais assez critique, c’est vrai. Je ne nie pas non plus l’amélioration des conditions de vie permise par ces ressources, mais il faudra bien se poser la question un jour.
Bref, revenons à la série. Elle a l’avantage de s’aventurer dans un thème peu représenté à la télévision (en fiction), et de montrer des personnages qui détruisent les installations des entreprises qui, selon eux, sont des ennemis de l’environnement. JP a choisi de raconter cette histoire après avoir réalisé qu’il ne s’était jamais intéressé à ces questions. La série est devenue sa façon d’apporter sa contribution. En cette diffusion à Séries Mania, il était ravi de rencontrer un public plus nombreux : en effet, il était venu présenter un projet à Shanghai quelques années auparavant, et dans la salle, il n’y avait que… 12 personnes… Il s’est intéressé à un groupe qui a décidé de réagir, en franchissant la ligne jaune, et a avoué qu’il comprenait les personnes qui le faisaient dans la vie réelle. JP a choisi le format policier (les actions de Tellus sont suivies par les policiers) afin que l’histoire parle au plus grand nombre.
L’histoire n’est pas mal, même si je n’ai pas eu un coup de cœur pour cette série. Question de feeling. La froideur et la distance règnent dans cette série, notamment au niveau des personnages qui font partie du groupe d’éco-saboteurs. Ils sont solitaires, mènent une vie ascétique, à l’image de l’héroïne principale, Eevi. Celle-ci ne fréquente personne. Lors de prises de décision, elle imagine des discussions avec des personnes de son entourage (dont sa mère défunte) qui l’aident à arrêter un choix. Elle ne fréquente personne, enfin, jusqu’au jour où elle rencontre Alex, le leader d’une association écologique modérée, qui se contente de manifestations. Elle voudrait aller plus loin, mais cette relation ne ferait que l’éloigner de son objectif. On sent qu’au fur et à mesure des épisodes, il va y avoir une confrontation entre ces deux points. Eevi pourra-t-elle mener une double vie ? Va-t-elle arrêter ses actions par amour ? De son côté, Alex a des liens étroits avec le policier chargé d’enquêter sur les actions de Tellus. Les membres de Tellus se soutiennent afin qu’aucun ne sombre. Là encore, il y a une sorte de distance entre eux. Même si on les voit « décompresser » ensemble, ce n’est pas non plus ambiance colonie de vacances. La distance et la rigueur sont les conditions nécessaires à la réussite de leur projet et leur sauvegarde. Ils se sont fixés une mission et restent concentrés pour ne pas s’en détourner, quitte à vivre comme des fantômes et à tout sacrifier. D'ailleurs, à plusieurs reprises, Eevi justifie (en voix off) ce choix de vie.
De l’autre côté, on a un policier, Taneli Lokka, dont la mission est d’arrêter Tellus. Il ne ressemble pas à l’image traditionnelle du flic que l’on peut voir dans une fiction, comme l'a fait remarquer une spectatrice après la projection. Il est vieillissant et handicapé de surcroît ! Il sort en effet d’une convalescence suite à un AVC qui l’a privé de son œil droit. Pas du tout le jeune homme en plein force de l’âge et beau gosse… Lui aussi se soucie de l’environnement, du gaspillage. J’ai adoré ses colères face à ses enfants qui ne respectent rien du tout : que je jette la moitié de mon assiette par-ci, que je ne trie pas les poubelles par-là… Lui aussi semble solitaire, dans un sens : ses relations avec celle qui l’a remplacé pendant son congé sont très neutres, minimum syndical^^.
Les deux épisodes ont aussi leurs défauts. J’ai eu du mal à tisser un lien avec les personnages, à cause de ce sentiment d’éloignement, de l’ambiance polaire. Les éco-terroristes ne sont pas vraiment chaleureux et extravertis, mais c’est cohérent avec leur ligne de conduite. Alex m’a peut-être été plus abordable. Le rythme a du mal à s’intensifier, bien que certains éléments donnent envie d’en savoir plus. Le groupe va-t-il aller beaucoup plus loin dans son action ? Après la victime accidentelle, les membres réfléchissent à frapper plus fort, mais décident de conserver pour l’instant leur méthodologie de destruction matérielle. Le membre que Lokka va interroger va-t-il craquer ? Quelles motivations ont poussé ses membres à agir de la sorte ? Leur mode de vie va-t-il peser sur eux ? etc. Aussi, la musique est parfois de trop dans plusieurs scènes.
Je souligne encore une fois l’intérêt du sujet qui, hélas, n’a pas eu de retentissement auprès du public finlandais après la diffusion de la saison 1 même si elle a été bien accueillie. Comme l’a expliqué Siili, ce sujet ne fait pas partie des priorités pour les politiques. Notamment en cette récente période d’élections parlementaires qui ont eu lieu dans son pays : les questions économiques et de politique étrangère ont été mises au cœur des discours. Par ailleurs, la désobéissance civile n’est pas autant répandue dans les pays nordiques. Si Tellus devait passer en France, ce serait mission à accepter pour Arte, c’est évident. Ou alors, sur une chaîne diffusant déjà des documentaires orientés univers, nature, mais serai-t-elle enclin à faire de la place à ce genre ?
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